Maxence VS La$tFight

Moi, La$tFight, je m’avance doucement vers le monstre de classe Légendaire tout en me remémorant ce que je savais sur ce boss. C'est-à-dire pas grand-chose à part le fait qu'il était la main droite de "Bahamut le Dieu Destructeur", l'ennemi suprême de Ready4Apocalyps 1.4. Mon objectif  ultime!

Je jette un coup d’œil furtif derrière la créature, remarquant ToxicGamer et Kell s'approchant de l'ennemi. La jeune fille me regarde droit dans les yeux et commence à mimer des lettres avec sa bouche. Je suis sur le point de lui demander pourquoi elle ne parle pas directement via le canal de discussion, puis je me rappelle que lui et le Tchat viennent d’être scellés par le monstre, que Kell venait d'identifier comme étant Klingsor. Une rapide recherche dans son "Répertoire des Monstres et Autres Créatures" m'apprend qu'il est le maître des illusions, information qui fut rapidement vérifiée lorsque la créature se met en branle et m'attaque avec une épée immatérielle qui se perd dans le sol. Je me prépare à riposter mais me retiens, me répétant intérieurement ce que je dois faire :

« Défense, défense, défense, défense. Ne fonce pas tête baissée. »

Ça, c’est mon rôle, la défense. Kell identifie la nature des monstres, et Toxic profite de la diversion du premier pour achever la bête avec son lancer de couteau. En général, mais pas aujourd'hui. Aujourd'hui, le lanceur me loupe de peu lorsque sa lame traverse le corps du monstre sans trouver de résistance puis file fatalement en direction de mon visage. La scène passe comme au ralenti. Heureusement, j'ai le réflexe de lever son bouclier au dernier moment, sans lequel je serais mort.

Je pousse un juron. Je viens de comprendre que Klingsor lui-même est une illusion. Je m'apprête à prévenir ToxicGamer sur les dangereuses facultés de notre ennemie lorsqu'un courant froid passe dans mon dos.

Je comprends aux têtes de ses amis que je suis dans le pétrin.

Et alors tout se passe très mal.

Une dizaine de Klingsor apparaissent en cercle autour de nous. Contrairement au premier qui était apparu et qui ressemblait à un orque tout droit sorti d’un livre de Tolkien, ceux-ci évoquent plus des mages noirs aux crânes blancs comme l’os. Une vision terrifiante.

Comme si nous avions répété ces gestes toute notre vie, moi et mes compagnons d'aventure nous mettons dos à dos, boucliers aux poings et armes tendues vers les agresseurs.

Kell se met alors à trembler. Moi et ToxicGamer voulons lui imposer d’arrêter mais nous comprenons que c’est le seul moyen de parvenir à nos fins. Enfin, après quelques minutes d’attente pendant lesquelles personne ne bouge, la jeune fille soupire et se met à parler.

Kell : « Je sens un puissant pouvoir maléfique ici. Partout. Klingsor est là… où il n’est pas. »

Elle fait un geste en direction d’un espace entre deux illusions et disparait, suivie de Toxic.

Moi je reste seul avec l’ennemi et avec seulement cette dernière information pour me venir en aide. Mais pas n’importe laquelle, c’est l’info qu'il me faut. Je sais dorénavant qu'il me faut viser le vide, mon amie avait été formelle. Elle avait détecté une force malsaine et insidieuse dans ce coin-là. La présence du Légendaire.

Alors, avec un cri autant de rage que de désespoir, je fonds sur l’endroit indiqué, ma lame pourfendant tout l’espace entre moi et mon ennemie.

L’épée rencontre alors une résistance.

Je viens de trancher la gorge du monstre !

Monstre qui disparait alors en une explosion de particules sombres, suivi de ces illusions.

Je m'écroule. J'ai gagné. Mais à quel prix ? Est-ce que la vie de...

Noir.

Réveil douloureux. Retour à la réalité.

Je fus assourdi autant par la voix de ma mère qui retentissait, assourdissante, dans mes oreilles que par un mal de crâne grandissant.

Elle venait de m'enlever brutalement mes lunettes d'immersion et mes Oreillettes à Impulsion Neurocognitive. Mon cerveau en ébullition avait du mal à encaisser le choc.

Je regardai alors ma persécutrice. Ses yeux lançaient des éclairs.

- Maxence, s'écria-t-elle de sa voix emplie de reproches. Je t'ai appelé cinq fois pour manger.

- Maman !, protestai-je. Tu ne dois pas m'enlever mon matériel comme ça. Cela simule les mêmes zones du cerveau que lors d'un rêve. Ça peut être dangereux si tu ne te déconnectes pas comme il faut.
- Mais comment veux- tu que je te parle quand tu joues. Tu y passes un temps fou. Ça m'inquiète. Tu sais parfois, Maxence, j'ai l'impression que tu vas partir dans ce jeu pour toujours et ne jamais revenir.
- Maman...
- Allez ! Viens à table !”
Je venais d’arriver à table et j’avais déjà envie de retourner jouer. Au menu de ce soir, salade et patates sautées. Mon beau-père, debout, nous a servi un par un en commençant par ma mère. Elle avait les yeux rouges, ses cheveux bruns attachés en une petite queue de cheval et le teint extrêmement pâle ; elle était comme ça depuis un petit moment, je pensais que c’était la fatigue… Mais ça ne l’empêchait pas d’écouter les commérages incessants de ma petite sœur de 9 ans, assise sur sa chaise, toute heureuse de “nous” raconter la vie de ses copines, comme chaque soir. Mon beau-père, enfin installé, participait à leur conversation. A croire que les histoires de ma sœur l’intéressaient vraiment.

Je me dépêchais de finir de manger ma salade et entamais les pommes de terre.

Ma mère me demanda de lui servir un verre d’eau, j’acquiesçais et le fis. Elle prit son verre enfin rempli et mit un petit cachet bleu et blanc dans sa bouche avant de boire. Puis un autre cachet, et encore un autre ; je ne les ai pas tous comptés. Mon beau-père la regarda avec un petit sourire, puis retourna à sa discussion. Cela ne devait pas être trop grave.

J’avais enfin fini mes patates, ils avaient à peine commencé les leurs.

Je me levais de table et commençais à partir en direction de ma chambre. Ma sœur m’interpella. Je me tournais vers elle en soufflant. Elle me demanda de l’aider à faire ses exercices de maths. Comme si, moi, j’allais l’aider à faire ses exos, tiens !

“- Je suis occupé.” Ce fut ma seule réponse.

Je recommençais à partir, d’un pas rapide, lorsque j’entendis la douce, mais quelque peu sèche, voix de ma mère :

- Au fait, j’aimerais que…hum hum…tu prépares des affaires pour ce week-end, nous allons faire du camping. Tu sais, comme lorsque tu étais pet...

- Je ne viens pas, la coupais-je sèchement.

- Et on peut savoir pourquoi ? , rétorqua mon beau-père.
- J’ai une partie très importante ce week-end, je ne peux pas la rater.
- Tu n’as pas le choix, il n’y aura pas internet de toute façon.
- Quoi ?! On me force à venir et en plus, je ne pourrais pas jouer du tout ? De TOUT le week-end ?
- Tu n’as qu’à inviter un ami à venir avec toi si tu veux jouer, dit ma mère en baissant les yeux, très calmement.
- Je n’ai pas envie.
- Mais tu as envie de quoi toi ? A part jouer à je n’sais quoi ? Tu ferais mieux de travailler sur tes cours ou d’aider ta mère au lieu de passer ton temps à jouer. Tu ne fais rien à la maison, même ta petite sœur fait plus de choses que toi. Donc tu viendras avec nous, que tu le veuilles ou non ; puis en revenant, je te confisquerai ton ordinateur et tous tes gadgets !
- C’est injuste. Puis t’as pas d’ordre à me donner, t’es pas mon père !”

Sur cette phrase, je partis dans ma chambre en claquant violemment la porte. J’entendis à peine ma mère qui pleurait,  j’avais déjà remis mon casque.

Enfin, c'était reparti ! Mes lunettes d'immersion fermement fixées sur mon nez, je chavirais et me retrouvais projeté dans son exaltant univers virtuel.

Pour un donjon, c'est plutôt une petite forteresse. Mais bon, il faut bien prendre des initiatives ! C'est décidé. On dit bien que l'attaque est la meilleure des défenses... ou quelque chose comme ça. Pendant que mes amis font diversion, je m'occupe de préparer les sortilèges. Tout est calculé. Lorsque le boss aura disparu, occis par nos soins, le loot sera en sécurité et à nous la récompense ! La victoire est assurée.

On progresse plutôt rapidement d'étage en étage. C'en est presque trop facile. Les gardiens du donjon, des monstres de bas niveaux, sont tombés dans notre embuscade. Reste à trouver le Boss. Logiquement il devrait se trouver au sommet. Les escaliers n'en finissent pas : raides, étroits et en colimaçon.  J'en ai la tête qui tourne.

Mais nous voilà stoppés dans notre ascension car le chemin se sépare maintenant en deux. Dilemme ! Finalement, après concertation avec mes compagnons d'aventure, j'opte pour l'escalier de droite. Je fais confiance au hasard et croise les doigts.

Il nous mène à une porte massive dont le loquet luit dans la pénombre. Je la pousse et la lumière du jour m'éblouit. Je sens une brise sur mon visage. Nous voilà arrivés sur le toit et en face, à quelques mètres, se trouve le Boss qui s'est tant fait désirer.

Il se révèle plus compliqué à vaincre que je ne le pensais. Je devais être trop confiant. Ses mouvements sont impressionnants. C'est à peine si je parviens à l'atteindre. Il possède beaucoup plus de points de dextérité que n'importe quel membre de l'équipe. Son sabre m'atteint plusieurs fois, m'ôtant de nombreux points de vie. Je jette un coup d'œil derrière moi. Kell et ToxicGamer n'en mènent pas large non plus. Ils sont totalement désemparés.

Mais, je n'en démords pas. Je galvanise mes amis et à force de persévérance je parviens à porter le coup fatal, en pleine tête. Une autre victoire !

Nous finissons dans une taverne à fêter notre succès avec d'autres joueurs.

ToxicGamer : C'était épique ! Tu lui as mis un headshot de la mort. Booom ! En plein dans la tête !

Kell : C'était... Waaahhhouu X)

La$tFight : Merci les amis ! Je n’aurais pas réussi sans vous ! ;)

Mais mon allégresse est perturbée par un bourdonnement. De l'autre côté de mes lunettes d'immersion, mon portable n'arrête pas de vibrer. Cela me déconcentre et l'univers virtuel me semble déjà plus distant. Je décide de l'ignorer.

Mais l'appareil se remet en branle de plus belle et je suis obligé de m'excuser auprès de ToxicGamer et Kell. Juste le temps de l'éteindre et je reviens.

Je me déconnecte.

Je retirais tout mon matériel et allais m'informer sur l'écran du mobile de la provenance des appels intempestifs. C'était mon beau-père. Il savait pourtant que j'étais occupé pendant mes sessions de jeux. Tiens, il avait laissé un message vocal :

« Maxence ! Je ne sais pas ce que tu fabriques mais il est arrivé quelque chose de grave à ta mère. On est à l'hôpital.  Rappelle- moi ! »

Cette voix paniquée, agitée de trémolo résonna encore en moi un instant alors que les murs de ma chambre semblaient onduler. Je sentis le sol se dérober sous mes pieds alors que la sonnerie intempestive du Tchat de discussion continuait de retentir.

Heureusement, ma mère s’en était sortie. Elle avait, en se rendant au travail, fait un A.V.C. Mais mon beau-père avait agi à temps et les médecins étaient confiants. Elle s’en sortirait sans séquelle.

J’avais rejoint tout le monde dans la salle d’attente. Antoine avait les traits tirés d’anxiété et les joues de ma petite sœur étaient parsemées de lourdes larmes humides. Moi, et bien je ne savais pas trop. Je me sentais perdu, abasourdi et un peu exsangue. En tout cas cet incident avait été comme un véritable électrochoc. J’avais pris conscience de tout ce que j’avais raté. J’étouffais. Je devais prendre l’air. Antoine me glissa quelques pièces pour que j’aille me payer une boisson.

Je me retrouvais alors seul sur le parking de l’hôpital serrant dans un verre en plastique, entre mes mains fébriles, un chocolat à la chaleur berçante et à l’odeur réconfortante. J’avais précédemment envoyé un SMS à ToxicGamer et Kell :

« Salut ! Désolé pour tout à l’heure. Je me demandais ? Ça vous direz qu’on fasse du camping un week-end. Ce serait cool de se voir.  En vrai. ».

J’attendais maintenant impatiemment la réponse.

Je fermais un instant les yeux, profitant du goût doux-amer du chocolat sur ma langue. Puis je les rouvrais et, déterminé, comme un défi, je fixais le ciel à l’horizon où se profilaient de lourds nuages cotonneux. Le vent caressait mon visage, balayait en arrière mes cheveux et emportait les feuilles vermeils d’automne en un doux bruissement plaintif.

Je goûtais la vie.

Texte écrit par :
Pauline, Nathan, Nelly, Emilie, Eloïse, Chloé

Élèves de seconde du Lycée Jean Puy